Les seigneuries des Boisboissel

La seigneurie du Boisboissel

L'originelle et celle qui a donné nom a la famille. Voir le fief Boisboissel avec son imbrication dans la ville de Saint Brieuc, et son enveloppement du fief canonical.

Le territoire de Saint Brieuc fut par la suite partagé entre 3 prééminenciers: le seigneur évêque, seigneur temporel en même temps que spirituel, dont le fief primitif devait former deux éclipses, la première en faveur des sires de Boisboissel, vidames ou prévôts féodés de l'évêché de Saint Brieuc, la seconde au bénéfice des chanoines de la cathédrale, successeurs des moines du monastère transformé en siège épiscopal au IX ème siècle.

Les Boisboissel érigèrent puis habitèrent l'hotel Quicangroigne, nom qui vient de "Qui qu'en groigne", et qui signifierait le lieu où les malcontents sont tenus en respect par l'autorité de la ville.

La seigneurie du Boisboissel s'étendait des paroisses de Saint Michel, de Saint Brieuc, de Plérin, de Trégueux, de Langueux, de Cesson et de Ploufragan, le fief de Kergomar y fut annexé. Le tout relevant du fief épiscopal des Regaires de Saint Brieuc (voir chapitre privilèges pour plus de détails).

Cette seigneurie passa ensuite aux Rouvre, puis au Champagné, puis aux Bréhan, (avec un intermède que fut sa possession par Marc-Antoine de La Bouexière, seigneur de la Nuict en 1683). Le dernier détenteur de cette seigneurie fut le vicomte de Lisle, qui mourut maréchal de camp et inspecteur général de l'infanterie en 1765, officier plein de bravoure et de mérite.

La seigneurie du Fossé Raffray

Elle se situe en Trégomeur, et est un fief Boisboissel immémorial selon Louis de Boisboissel au XVème siècle. Il se réclame, comme ses prédécesseurs, en possession de plusieurs prééminences en l'église paroissiale de Trégomeur et entre autre du droit de sépulture dans le choeur de cette église depuis les temps immémoriaux. Cette seigneurie possède les droits de moyenne justice, comme indiqué dans l'acte de réformation du duché de Penthièvre le 16 mars 1690, signé par Isaac-Toussaint de Boisboissel.

Le duché de Penthièvre comprend quatre seigneuries, celles de Lamballe, Moncontour, Guingamp et La Roche-Suhart. La seigneurie de La Roche-Suhart s'étire sur la côte occidentale de la baie de Saint-Brieuc, avec les paroisses de Plérin, Etables, Trégomeur, Trémeloir, Trémuson, Goudelin, Plourhan, plus quelques domaines en Plélo, Plouha et l'île de Bréhat.

Ceci explique le lien de vasselage direct entre les Boisboissel et les Penthièvre.

Alain de Boisboissel est cité comme seigneur du Fossé Raffray (ou Bois Raffray) en 1317, Maurice de Boisboissel est cité comme seigneur du Fossé Raffray en 1383.

Les réformations de l'évêché de Saint-Brieuc indiquent des possessions de cette seigneurie: (Éric Lorant et Jérôme Floury - éditions Sajef, d'après des données de Monsieur Pascal Lorant):

Réformation de Trégomeur du 20 mars 1536 : la maison et métairie du Fossé-Raffray appartenant à François du Boisbouessel, noble homme.

Réformation Saint-Donan du 1er janvier 1514 : Le four-jarno appartenant à Jean du Boisbouexel, sieur du Fossé-Raffray. (Le Four Jarno est un lieudit de Saint-Donan. Les anciens documents mentionnent le Four-Jarrus ou le Four-Jarruy).

Réformation Lantic de décembre 1513 : catégorie des maisons qui avant 60 ans étaient tenues par gens partables contributifs, les noms de ceux qui les possèdent à présent : maison qui fut à Jean Le Brun, près la Ville-Cades, appartenant à Jean du Boisboexel, sieur Fossé-Raffray

 

A partir de Jacques II de Boisboissel, les titres portés par le Boisboissel s'enrichissent de celui de seigneurs de la Mariée.

Par le mariage de Gilles de Boisboissel avec Anne-Françoise Noblet, ce sont les seigneuries de Launay, de Morlen et de Coetriou qui s'ajoutent aux précédentes.

La seigneurie reste dans la famille assurément jusqu'à Isaac-Toussaint de Boisboissel, décédé en 1718. Il hérite de la seigneurie de Launay probablement en Ploëzal et Runan par sa mère Anne Noblet (ou Le Nobletz) et déménage au dit château de Launay, car tous ses enfants y naitront,à partir de 1687. Il eut avant un enfant mort en bas âge à Trégomeur en 1686, ce qui participa peut-être à sa décision. On ne sait ce qu'il advint dès lors de la seigneurie du Fossé-Raffray, après avoir été au moins dans la famille depuis 1317, soit près de 4 siècles...


La seigneurie du Boisboissel créée par les Le Prévost ?

Selon Bruno Saint-Sorny, il est possible que les Le Prévôts ont créé la seigneurie de Boisboissel, mi ou fin XIIIème ou au début du XIVème siècle, qu’ils ont adopté en même temps ce nom comme nouveau nom de famille et qu’ils ont créé leurs armoiries au même moment. Et ce probablement grâce à leur allégeance aux Penthièvre, marquée par l’obtention du fief du Fossé-Raffray, allégeance qui leur permettait de devenir autonomes envers l’évêque et donc de former leur seigneurie briochine sans que l'évêque ne puisse rien en dire.

En effet ce fief du Fossé-Raffray aurait été tenu des Penthièvre, et sa possession par les Boisboissel attestée aux Boisboissel en 1317 aurait permis à ces derniers de se dégager de la tutelle de l’évêque, qui grâce à cela ne serait plus devenu leur unique seigneur. D'où les forts liens qui unirent les Boisboissel aux Penthièvre.

 

Les seigneuries de Lauber et de Kergaraut

René de Boisboissel est le premier Boisboissel à être mentionné comme seigneur de Lauber et de Kergaraut (parfois écrit Kergarantec)

Il fonda avec son épouse Perronnelle de Ploeuc au début du XVIème siècle la chapelle de Saint Nicolas en Gausson, dans laquelle en 1932 on pouvait encore voir dans la maîtresse vitre le portrait de sa femme avec les armes des Boisboissel. Ils logeaient dans leur manoir de Kercarentel situé un kilomètre au sud.

Les fils de René de Boisboissel, Pierre, Antoine et François n'ayant pas eu de descendance, leur héritage passa à leur oncle Hervé de Kerguezangor qui avait épousé Margueritte de Boisboissel, soeur de leur père.

Mais de nouveau les seigneuries changèrent de nom, car Hervé et Margueritte de Kerguezangor eurent pour fille Isabeau qui épousa François de La Villéon, lequel est qualifié de seigneur du Bois Bouëssel ! (pas d'explication connue à ce jour)

 

Autres seigneuries dans le Trégor

L'installation de Isaac-Toussaint de Boisboissel dans son château de Launay en 1687 commence une époque résidentielle de la famille comprise dans un cercle entre Pommerit-Jaudy, Brélidy, Bégard. On trouve des Boisboissel aux XVII et XVIII ème dans les villes de Ploëzal et Runan (seignerie du Launay), Mantallot (seigneurie de Morlen ?), Brélidy, et plus au Nord à Louannec.

Le manoir du Réchou, situé au sud de Bégard fut propriété des Boisboissel, probablement au XVIème siècle. Le manoir fut malheureusement détruit au XXème siècle, mais il reste une tour fortifiée du XVème siècle en bon état car habitée.

 

La seigneurie du Pélem

Elle s'étendait autour du manoir ou château du Pélem en Saint Nicolas du Pélem.

L'origine du nom Pélem vient de pellen, qui en breton vannetais signifie pelote, peloton de fil, et par extension aurait été une unité de longueur. Un pellen contient 8 journaux, un journal étant une étendue de terre qu'un homme peut travailler en une journée. La valeur d'un journal varie selon les régions: en la terre de Ruy il comprend 120 perches, et la perche 24 pieds, ce qui nous amène à un pellen = 8 x 120 x 24 X 24 = 5,53 hectares; mais généralement un journal peut correspond à 80 cordes de 24 pieds², ce qui nous amène à un pellen = 8 x 80 x 24 X 24 = 3,68 hectares. Dans le domaine de Rohan-Guéméné en Riantec, le pellen comprend 4,5 hectares. Sa valeur est donc comprise entre 3,68 et 5,53 hectares, probablement autour de 4,5 hectares. (La Bretagne d'après l'itinéraire de Dubuisson-Aubenay)

Voir le chapitre Le Pélem et Les Tourelles

 

Le manoir - château du Pélem:

Le style de construction de l'actuel manoir du Pélem, style "Henri IV - Louis XIII", marque l'une des premières réalisations de ce que nous avons coutume d'appeler un château de plaisance. Il fut édifié au début du 17ème siècle, comme le montre l'inscription 1622 sur la voûte de la porte, qui était l'entrée principale du manoir au 17ème siècle, entrée complétée par un autre accès via le perron de granit jouxtant la tour sud. Ce style marquait une reprise du goût de vivre, après les Guerres de la Ligue, qui ravagèrent la Bretagne à la fin du 16ème siècle, après la dure existence dans les maisons fortifiées. Sous le règne du "Bon Roy Henri", plus de tours de défense, plus de meurtrières, mais de larges ouvertures pour le Pélem. Une Tour massive évidemment - et même deux!- car la façade nord possède aussi sa tour rajoutée au 19ème et qui masque une petite bretèche qui défendait le côté nord.

Le manoir d'aujourd'hui a pris la place d'une construction plus ancienne du 15ème siècle, puisque l'église de Saint Nicolas, qui fut autrefois la chapelle du château, possède une verrière datée de 1474. Deux boulets de canon en acier ont de plus été découverts lors de la construction des Tourelles au 19ème. Ils sont clairement de facture du milieu du 16ème, et sont les témoins des combats qui se livrèrent dans ce lieu lors des guerres de la Ligue, et qui ont très certainement détruit le Pélem initial. Il est fort probable que le Pélem fut détruit par le terrible brigand Guy Eder de La Fontenelle, natif de Bothoa, lequel écuma et pilla la région notamment fin 1593 lorsqu'il prit le château de Corlay ou début 1594. Il ne reste rien du Pélem du 15ème, à part quelques pierres de réemploi et les murs du salon de chasse, côté Sud-Ouest où une cheminée monumentale typique du 15ème, des meurtrières et une curieuse disposition des fenêtres (basses, non symétriques) indiquent que ces murs étaient originellement ceux du Pélem antérieur.

Le grand bâtiment des dépendances, à l'ouest, faussement appelé Vieux Pélem, avec ses fenêtres barreaudées, se situe probablement entre les deux époques, le 16ème siècle, mais son imposante "bretèche" qui orne sa façade ouest est un bastion flanquant à mâchicoulis, vestige d'une ancienne architecture fortifiée du 15ème siècle. A son étage, une salle immense de 180 m2 devait servir de salle de justice pour le seigneur du Pélem.


La seigneurie du Pélem est fort ancienne, car le Pélem est mentionné sur une carte tirée du livre des Ost, livre offert au Duc Jean II à Ploërmel en 1294. Le seigneur du Pélem devait résider à l'époque, dans un Pélem primitif, manoir ou château du 13ème siècle ou bien encore antérieur dont on ne sait rien aujourd'hui. Etait-ce le modeste bâtiment, aujourd'hui disparu, dont les fondations apparaissent sur le cadastre de 1840, et situé à 20 mètres derrière l'actuel Pélem? Ou bien également un château fort qui aurait existé à cette époque (source orale locale), peut être celui de Pont Per près du menhir du Rossil à 1 km au Nord de l'actuel Pélem?

 

Les familles des seigneurs du Pélem:

C'est la famille du "PELLEN" qui habitait à l'origine le lieu, de loin la plus ancienne habitation de 1'agglomération, et dont la ville a tiré son nom, francisé en "PELEM". Elle porte " d'argent à bandes de gueules chargée de trois macles d'or ". Outre que le nom "Pelem" indique une unité de mesure de la terre (voir ci-dessus), on peut également penser que ce nom se rattache à un privilège, ou plutôt à une redevance, plus symbolique que lucrative, perçue annuellement par les possesseurs de chapelles, sous la forme d'une pelote de fil ou de chanvre. (Cela pourrait indiquer la présence de moutons à cette époque en cette terre). Cette redevance demeura, bien après la disparition de la famille, attachée à la chapelle du manoir, puisque les comptes de 1812 à 1817 mentionnent le " fil d'offrande vendu à 6 francs la livre pour le compte de la chapelle ". Notons que le seigneur Eudes du Pellen participa en 1248 à la VIIème croisade.

La famille du Pélem s'éteignit, ou plutôt se fondit, au 15e siècle, dans la famille JOURDEN, qui brisa les armes du Pellen en portant: " d'or à bandes de gueules chargée de trois macles d'or ". Un macle étant un "losange percé à jour, et dont le nom a été donné à de petites pierres noires qu'on trouve en particulier dans la forêt de Quénécan, aux Forges des Salles. Adoptées désormais par la Ville de Saint Nicolas elles figurent sur le fronton du Centre Médical.

Au 16e, par le jeu d'une double alliance avec la Maison de QUELEN, le manoir passa dans cette dernière famille. Le Pélem resta 150 ans la propriété des Quelen, avant de passer en 1662 aux BREHANT, par le mariage de Louise de Quélen avec Maurille de Bréhant, comte de PLELO. Cette illustre famille, à la fière devise "Foy de Bréhant vaut mieux qu'argent", est surtout connue dans la personne de Louis Robert Hippolyte, comte de Plélo, ambassadeur du Roi au Danemark. Luttant, par ordre, pour Stanislas LECZINSKI beau-père de Louis XV, élu roi de Pologne, il se jeta audacieusement, en 1734, avec 2000 Français, sur la Place de Dantzig investie par 30.000 Russes, et s'y fit tuer, à 35 ans, "à la Bretonne, c'est-à-dire sans reproche et sans peur, "pour le bien du service" - Il avait seize coups de baïonnette dans le corps et la jambe brisée par un coup de feu… Bon sang ne peut mentir!

La fille de cet héroïque soldat épousa Armand du Plessis de Richelieu, duc d'AIGUILLON, Gouverneur de la Bretagne. Nous croyons savoir qu'il y est venu au moins une fois. Avec les routes de l'époque, c'était un acte de courage, et un geste de bienveillance de ce haut personnage plutôt habitué aux fastes de Versailles!

Le manoir passa, en 1785, dans la famille LOZ de BEAUCOURS, dont l 'avant dernier représentant, Hippolyte Louis Marie fut avocat Général au Parlement de Bretagne, dans les dernières années avant la Révolution. Il représentait le type de quelques uns de ces grands magistrats d'ancien régime qui joignait à une vaste culture le respect de leur fonction, considérée comme un sacerdoce. Généreux, il avait donné dans les idées nouvelles, mais les événements de Rennes en 1788 (on a pu dire que la Révolution était née en Bretagne en 1788...), et les excès qui suivirent l'incitèrent à émigrer. Il gagna l'Allemagne, puis la Hollande, et ne rentra en France qu'en 1801, pour être incarcéré à la prison de Sainte Pélagie, à Paris... Revenu à Rennes, il chercha à revoir son vieux manoir du Pélem. Il n'y arriva qu'au prix de nombreuses difficultés. Son régisseur lui manda " qu'en hiver, les chemins étant impraticables, il faudrait patienter jusqu'au printemps. "... Il lui proposait un attelage à boeufs, "les chevaux d'ici n'ayant jamais vu de voiture" ! On y arriva quand même, le régisseur ayant "envoyé deux hommes avec des tranches pour dresser les plus mauvaises ornières"... Or nous étions en plein été! L'un de ses fils, prénommé Sévère, une belle figure de soldat, reçut en héritage ses biens de Saint Nicolas et, jusqu'à sa mort, à 90 ans, contribua, par ses largesses, à la création du village, par des dons de terrains, de bâtiments, et la création d'un lotissement (baptisé Kerséville en mémoire de sa campagne d'Espagne en 1823, avec la prise du Trocadero).

Mort sans héritier mâle, il légua ses terres du Pélem à son neveu, Anne Marie Hyacinthe de BOISBOISSEL (l'arrière-arrière-grand-père de Gérard, le propriétaire actuel). En effet, son père Hippolyte Loz de Beaucours avait épousé en 1795 Agathe de Saisy Kerampuil, tante de Anne-Marie-Julie de Saisy Kerampuil, et mère de Anne Marie Hyacinthe par son mariage avec Jean-Hyacinthe de Boisboissel le 6 avril 1818.

Anne Marie Hyacinthe de Boisboissel, député monarchiste à l'Assemblée Nationale, était l'ami du Comte de Chambord, alors prétendant au Trône de France. C'est lui qui fit construire les "Tourelles " qui dominent le village: deux énormes tours de style moyenâgeux encadrant une courtine de 40 mètres de long, où devait s'installer un "pavillon", pour le recevoir quand il serait Roi... Modeste construction à deux étages... de 8 mètres de haut, et, évidemment, surmontée d'une Tour!

Au début du XXIème siècle, trois frères Boisboissel vivaient sur la propriété: Henry, colonel de l'Armée de l'Air, au manoir, Hubert, colonel des Troupes de Marine (décédé en 2008), et Alain ancien de l'Aviation Civile (décédé en 2015), dans respectivement les deux maisons situées à l'entrée du Parc.

  

    Les blasons sur la façade du Pélem:

La famille du Pellen a donné ses armoiries à la ville de Saint Nicolas du Pélem, qui sont " d'argent à bandes de gueules chargée de trois macles d'or ". La famille Jourden a par la suite brisé les armes Pellen pour porter " d'or à bandes de gueules chargée de trois macles d'or ". Bien qu'étant les premiers bâtisseurs et propriétaires du Pélem, aucune de ces deux anciennes familles n'a ses armes sur la façade du château.
En regardant de gauche à droite les fenêtres supérieures de ce dernier, on peut y découvrir successivement les blasons des familles propriétaires suivantes:


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