Les Privilèges
Les seigneurs de Boisboissel avaient certains privilèges, que Bertrand du Rouvre, seigneur du Bois-Bouessel, indique en 1410 comme étant " usements par tant de temps que mémoire de homme ne est du contraire". (Saint Guillaume, son temps, son oeuvre, son culte par J. Arnault, edition A. Prud'homme)
Un cérémonial médiéval: l'entrée solennelle de l'évêque dans la cathédrale
L'entrée officielle d'un nouvel évêque dans sa cathédrale était au
moyen-âge un évènement majeur où les plus hautes autorités étaient
présentes, parfois même accompagnées du duc lui-même. Cette entrée
faisait l'objet d'un cérémonial où la préséance était clairement
définie, indiquant le rang et la puissance des participants. La genèse
de ce rituel s'enracine dans Xème siècle pour s'épanouir au XIIIème siècle (Véronique Julérot dans Bertrand Yeurc'h, la noblesse en Bretagne: titres et offices prééminenciers sous les ducs de Bretagne, p.113).
Si nous manquons de sources, il est fort probable que la cérémonie à
Saint-Brieuc commençait par une veillée le jour précédent l'évènement,
puis par une rencontre du nouvel évêque avec la populationde la ville
dans un endroit notable (qui pouvait être Saint-Michel comme paroisse
primitive de Saint-Brieuc), suivi d'une procession vers la cathédrale à
cheval à travers la ville. Arrivé devant la cathédrale, l'évêque
descendait de cheval et entrait dans ce qui devenait alors sa
cathédrale. S'en suivait la prise officielle par l'évêque de sa cathèdre lors d'une grand-messe solennelle et chantée,
suivie par un grand repas avec tous les dignitaires et seigneurs du
diocèse. L'officier ministériel détenteur de la charge de l'accueil et
de la menée de l'évêque jusqu'à sa cathédrale était le seigneur de
Boisboissel, charge de grande importance car portée par des barons dans
certains évêchés tel que Nantes ou par des vicomtes dans d'autres tels
que Saint-Pol. Venaient ensuite les seigneurs de l'Epineguen qui
étaient quant à eux détenteurs de la charge d'échanson et de
bouteiller, avec pour contre dons offerts par l'évêque les coupes et
vins restant d'après le banquet.
Notons que les évêchés de Saint-Malo, Dol et Saint-Brieuc, tous les
trois issus de la civitas des Coriosolites, ont une cérémonie distincte
des six autres évêchés en ce qui concerne les protagonistes nobles. Il
n'y a pas de portage, mais une menée de la monture épiscopale et les
intervenants sont majoritairement les officiers féodés de l'évêque. La
fondation puis l'extension des regaires de Saint-Brieuc se seraient
peut-être faites en échanges de l'entrée dans la ministérialité de
l'évêque de féodaux qui pouvaient prétendre à des droits préexistants (Bertrand Yeurc'h, la noblesse en Bretagne: titres et offices prééminenciers sous les ducs de Bretagne, p.101).
"Est aussi tenu le sieur de Bois-Bouessel de se trouver à la porte principale par laquelle le seigneur évesque avait fait son entrée, pour prendre la bride de la haquenée sur laquelle il était monté, et, en bon escuier, de la conduire au lieu où il descend dans la ville; pour laquelle servitude ledit sieur de Boisboissel a droit de prendre la haquenée et d'en disposer comme à lui appartenant, et, par concession que lui ont volontairement accordés lesdits seigneurs évesques.
Item, le debvoir qu'a la dite dame du Bois-Bouessel de prendre et avoir à la joyeuse arrivée et entrée que le Révérend Père en Dieu et ses prédécesseurs ont faict et font, en la cité, ville et faux bourgs du dit lieu de Sainct Brieuc à leur première entrée et venue, la hacquenée sur laquelle est monté le R.P. en Dieu" ("Aveux au Roi, de Nicolas Langelier (évêque de Saint Brieuc de 1565 à 1595; ligueur et conseiller du duc de Mercoeur) du 1er Avril 1567 et de L.M de Coëtlogon, 21 nov. 1690. Citées par Geslin de Bourgogne "anciens évêchés de Bretagne")
Ce cérémonial précis et fort ancien réunit à Saint-Brieuc tout ce que la région comporte de nobles, d'ecclésiastiques, de magistrats...
Le jeu de la Quintaine:
"En qualité de prévost ou voyer de l'évesque, le sire du Bois-Bouessel doit encore présider au jeu de la Quintaine.
Le dimanche de Pâques, à l'issue des Vêpres, près de la croix de pierre élevée sur le Martray, les juges et officiers doivent procéder à l'élection d'un roi, choisi parmi les membres de la corporation des poissonniers. Ledit souverain a pour insigne une bandouilière aux armes du seigneur évesque, qu'il a le droit de porter pendant son année de règne. Ce roi doit veiller à l'observation des règlements de la corporation, notamment taxer le prix du poisson s'il l'estime exorbitant... Le lundi de Pâques fournissait une des grandes attractions de l'année. Ce jour-là, les poissonniers forment un cortège qui escorte le nouveau roi, chacun d'eux étant monté à cheval ou sur un bidet ou un bourriquet et portant une gaule, fournie par le seigneur du Bois-Bouessel, ornée à son extrémité d'un bouquet de fleurs printanières. Six de ces gaules reviennent de droit au roi de la corporation et sont présentés par lui aux juges chargés de choisir les trois qu'il devra rompre au jeu de la Quintaine.
Ainsi équipés et armés, ces chevaliers d'un nouveau genre se rendent sur la place de l'Amuzoire (aujourd'hui place de la Grille), d'où piquant des deux, chacun à son tour s'élance au galop de sa monture, la gaule au poing, contre un jaquemart représentant vaguement un homme d'armes ou un personnage grotesque tenant lui même un bâton ou un balai... Et le bonhomme de dévaler la rue de la Quintaine grand train pour terminer sa course non loin de la cathédrale, à moins que le bidet ne vienne à cheoir et à trébucher, auquel cas il est confisqué incontinent par moitié au profit du seigneur évesque et de la dame du Bois-Bouessel. De même pour la gaule qui a été rompue en frappant la quintaine: le bout qui chet à terre est et appartient à la dite dame et le reste au dit Révérend Père en Dieu. (Saint Guillaume, son temps, son oeuvre, son culte par J. Arnault, edition A. Prud'homme)
Les autres corporations:
Pour la corporation des boulangers aussi, la juridiction épiscopale intervient dans l'élection d'un roi... S'il a des devoirs, le roi des boulangers a aussi des droits à certains honneurs: Le dimanche de la Quasimodo, les compagnons lui font cortège, tenant à la main des rameaux, et s'en vont planter un rameau vert à la gueule du four banal du seigneur de Bois-Bouessel, situé dans la rue du Poher. Naturellement cet honneur rendu au roi des boulangers redonde sur son épouse qui est appelée reine, et qui après avoir esté accompagnée à la messe le dimanche de la Quasimodo par les autres boulangers, se transporte au lieu dit du Bois-Bouessel.
Le sire du Bois-Bouessel a aussi ses droits et ses debvoirs, non seulement sur les boulangers et les poissonniers de la ville et fauxbourgs d'entre Urne et Gouët, mais aussi sur les tablateurs, vendeurs et portant à cryoublies (sorte de pâtisserie) en ladite ville et fauxbourgs, qui lui doibvent au terme de Carême prenant, chacun tableur qui table oublie, un plat de rollets; (et) sur les drapiers, vendeurs de drap gros et déliés, parce que le sire du Bois-Bouessel fournit les verges et étalons pour mesurer les draps" (Saint Guillaume, son temps, son oeuvre, son culte par J. Arnault, edition A. Prud'homme)
La tourte enfilassée:
Un autre curieux usage est celui que consacrait un privilège immémorial, dernier vestige du pain des eulogies. Le lendemain de Noël, le sire de Boisboissel entrait en armes dans l'église de Saint Michel, à Saint Brieuc en jetant devant lui une tourte enfilassée que se disputaient les fidèles, ce qui ne manquait pas d'amener une véritable bataille entre les assistants.
Et de nos jours ...
On peut citer le banc seigneurial dans l'église de Saint Nicolas du Pélem, héritage de la seigneurie de Beaucours, où la famille siège à la messe bien que ledit banc ait quitté sa place centrale dans l'église pour être relégué derrière un pilier, dans le bas-côté ...