Les annecdotes familiales
Faire rempart de son corps pour sauver le duc
Un membre fondateur de l' "Etoile des Maçons"
Hervé de Kerguézangor est un personnage de
sinistre mémoire. Seigneur de la Ville-Audrain et de Launay-Mûr au milieu du
XVIème siècle, il n'avait comme objectif que de s'enrichir par les méthodes les
plus infâmes. Converti au protestantisme par intérêt de puissance plus que par
foi, il devint un chef de bande armée écumant la région pour piller, voler et
tuer tous ceux qui s'opposaient à ses desseins. Sa base arrière n’était autre
que son château de Launay-Mûr, où fut retrouver récemment emmuré un squelette en
armure, probablement une de ses victimes. Mais il fut surtout célèbre
pour avoir fait disparaître un soir de tempête, dix marchands qui passaient par
chez lui en lui demandant le gîte pour la soirée, non sans récupérer leurs
marchandises. Dénoncé pour ce crime, une troupe armée fut nécessaire pour assiéger son château, l’arrêter
et l’emprisonner, ainsi que sa femme qui était sa complice. Transférés
dans les prisons de Rennes, Hervé s’y empoisonna. Sa femme, née Anne Green de
Saint-Marsault, fut elle décapitée en 1570.
Mais quel lien avec les Boisboissel me direz-vous ? Et bien la mère de ce sinistre Hervé de Kerguézangor était une Boisboissel, Margueritte, fille de Guillaume V de Boisboissel qui fut maréchal des logis de la duchesse Anne, et qui épousa Jean de Kerguézangor ! Margueritte fut donc une mère de criminel. Nous portons tous le vœu qu’elle ne fut pas responsable de la terrible dérive de son fils et que ses vertus tentèrent de le remettre sur le droit chemin... (Voir le site sur la Ville-Audrain http://kristen.tonnelle.pagesperso-orange.fr/lodaog/villeaudrain.htm).
Un membre fondateur de "l'Etoile des Maçons "
Isaac du Bois Boissel, ou François-Isaac (1734-1781), ancien capitaine au régiment de Provence et chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, fut un membre fondateur en compagnie de Saturnin du Bourblanc, conseiller au parlement de Bretagne, de la loge maçonnique "l'Etoile des Maçons" à l'Orient de Guingamp, laquelle exista de 1772 à 1817 avec une mise en sommeil pour cause de Révolution. Le 15 juin 1772 les constitutions de la loge " L'Etoile des Maçons " sont accordées par la hiérarchie de l'Ordre laquelle sera installée le 16 août de cette même année par les soins d'une loge de Saint-Brieuc, "la Vertu triomphante". La loge érige en 1778 un mausolée pour le service du feu roi Louis XV. La rejoignirent entre autres Jacques de la Boëssière, lieutenant des maréchaux de France, Jacques Cleuz, marquis du Gage et lieutenant-colonel de la capitainerie des garde-côtes de Lannion, et l'abbé Roquancourt, chanoine de la cathédrale de Quimper (sources monsieur Jean de Saint Houardon, 2011).
On peut être surpris par cette appartenance à une institution incompatible avec la Foi de l'Eglise catholique, mais il faut rappeler que le combat de la Franc-Maçonnerie contre l'Eglise, et sa volonté de déchristianiser la France, n'ont vraiment pris leur essor qu'à partir de la Révolution française. A la veille de celle-ci, le Grand Orient de France fédère 688 loges et la Grande Loge de France, alias Grande Loge de Clermont, une centaine. Les trois ordres y sont représentés, surtout des nobles, mais aussi des bourgeois fortunés et des membres du clergé malgré l'interdit du pape Clément XII de 1738 réitéré par le pape Benoît XIV en 1751. Notons que le comte d'Artois devenu sur le trône Charles X, fut lui-même initié (sources monsieur Jean de Saint Houardon, 2011). Aussi, l'attachement de François-Isaac à une loge procéda plus d'un état d'esprit du siècle des lumières où les personnes adhéraient à des cercles de réflexion à des fins altruistes, plutôt qu'à un esprit anticlérical, ce que l'engagement de la famille pour la Foi catholique et la cause royale lors de la Révolution démontra. De même, la disparition de bon nombre de loges bretonnes entre 1813 à 1827 rappelle que la noblesse et le clergé en Bretagne soutinrent de bien moindre façon la Franc-Maçonnerie à partir de la Restauration.
Le texte indiqué sous le lien suivant "Dénonciation de Ange Gabriel Marie de Boisboissel" cite une accusation faite le 20 floréal an II, soit le 9 mai 1794 par le comité de surveillance de Runan.
On y apprend que Ange Gabriel Marie de Boisboissel fut dénoncé comme traitre à la république naissante, en liaison avec un prêtre réfractaire, excitant le peuple à ne pas payer l'impôt révolutionnaire, et recevant les "rebelles", à savoir le peuple refusant la dictature anticléricale et tyrannique de la république naissante, composé de gens vivant simplement mais attachés à leurs traditions, à leur terre et à leur religion. Il survécut fort heureusement à cette accusation.
Il était seigneur de Launay, et reçut des hommes en révolte lui
demandant de devenir leur chef pour combattre les abus de la
révolution. Il refusa, acte qui peut paraître peu courageux, néanmoins
acte qu'il convient de relativiser étant donné son âge: il avait en
effet 62 ans en 1794, ce qui fait un peu vieux pour faire un chef
militaire alerte, surtout à l'époque! (Charette en avait 30 en
comparaison et La Rochejaquelein 21...), et alors même que quatre de
ses neveux participaient à la lutte pour la cause royale (dont deux qui
y laissèrent leur vie).
Voici un texte fait à Montbrison, le 28 décembre 1815, signé par de la Noirie, maire, le chevalier du Moncel, adjoint, Bourgeade, le chevalier du Guet, Gérentet, Durand, Lambert, Ardaillon, Boudot, Vidal et Dusser.
"Nous maire, adjoint et membres du conseil municipal de la ville de Montbrison, déclarons que M. le chevalier de Boisboissel (Jean Hyacinthe) nous est personnellement connu pour un homme d'honneur, invariablement dévoué à l'auguste maison de Bourbon.
"A la fatale époque du mois de mars dernier, le lendemain de l'entrée de l'usurpateur à Lyon, M. de Boisboissel se réunit au premier détachement de volontaires royaux qui se portèrent à Clermont et à Moulins, dans l'intention de s'opposer aux progrès des rebelles. Il y servit sous les ordres de M. de Chambost, colonel de la garde d'honneur lyonnaise, jusqu'à l'instant où le roi se vit obligé d'abandonner la capitale. Après le licenciement des volontaires royaux, M. de Boisboissel de retour à Montbrison fut signalé aux autorités supérieures alors existantes comme royaliste dangereux. Dénoncé au ministre de la police générale, et à Buonaparte lui-même, il fut la première victime de sa tyrannie. Arrêté le 28 du mois de mai, par ordre de M. L..., commissaire extraordinaire de l'usurpateur, il fut transféré sous bonne escorte dans la prison de saint Joseph, à Lyon, et aurait été infailliblement traduit en jugement (1) si le résultat de la bataille de Waterloo n'avait donné une nouvelle direction aux affaires. Mis en liberté le 21 du mois de juin, après vingt-cinq jours de captivité, il est revenu à Montbrison (sous la surveillance de la haute police) où, pendant les jours orageux de la retraite de l'armée de Lyon, il n'a cessé de donner de nouvelles preuves de ses bons sentiments en se montrant prêt à résister, à main armée, à tout ce qui pouvait être contraire au service du Roi. De tout quoi nous rendons témoignage, nous faisant d'ailleurs un plaisir de donner une preuve de notre estime à Monsieur le chevalier de Boisboissel qui habite notre ville depuis huit ans.
(1): Fouché avait donné l'ordre de le traduire immédiatement devant les tribunaux compétents. Il devait y comparaître sur la double accusation d'avoir porté les armes pour le Roi, et d'avoir dirigé, pour l'armée du duc d'Angoulême, deux capitaines de troupes de ligne. On parlait de l'issue de son jugement comme d'un acte qui devait servir d'exemple (c'est à dire la mort !).
Et c'est ainsi que Waterloo sauva la famille de Boisboissel, car Jean Hyacinthe ayant perdu 3 frères durant la révolution, ayant un frère ainé qui mourut sans postérité, était le dernier Boisboissel qui pouvait assurer la postérité de la famille... Il se maria 3 ans plus tard.
Edmond de Boisboissel, au début du XXème siècle, entre chez un armurier quelque peu brocanteur de la région de Quiberon, à l'entrée de la presqu'île. Parmi les objets présentés, il remarque un vieux pistolet non nettoyé et dans un état qui demande réfection. Il se sent tout de suite très fort attiré par ce pistolet. Il s'enquiert dès lors de son origine et le vendeur lui indique qu'il a été trouvé sur la grève, non loin du lieu où ils se trouvent. Edmond l'achète alors et, en arrivant chez lui au château du Pélem, le nettoie. Quelle ne fut pas sa surprise et sa stupeur, en briquant le talon de sa crosse, d'y lire gravée l'inscription : "M. de Boisboissel" !
Ce pistolet était l'arme de Jean-Marie-Michel-Isaac
de Boisboissel qui avait participé avec son frère Marc-Antoine-Bertrand-Marie au débarquement
royaliste de Quiberon et qui fut tué près du fort de Penthièvre le 16 juillet 1795... Pour
rappel, Jean-Marie-Michel-Isaac fut tué au combat et non pas fusillé
comme beaucoup de ses infortunés compagnons d'armes, ce qui fait que le
nom des Boisboissel n'est pas cité dans la lise des victimes fusillées
au monument d'Auray.
Anne-Marie-Hyacinthe de Boisboissel joua un rôle important auprès de la famille des Bourbons d'Espagne et du roi Alphonse XII au moment des guerres carlistes. Hispanisant distingué, Anne-Marie-Hyacinthe réussit à pénétrer un réseau de comploteurs à Paris. Surprenant une conversation en espagnol au cours d'un dîner, il entend des individus qui parlaient rien moins que d'assassiner le roi d'Espagne, Alphonse XII (1874-1885).
Ayant immédiatement informé le Roi de ce danger, la tentative de meurtre fut déjouée sur place. Alphonse XII le convoque alors à Madrid pour le remercier de lui avoir sauvé la vie et lui offre en reconnaissance l'ordre de la Toison d'Or, réservé aux seules familles royales. Anne-Marie-Hyacinthe, par modestie, la refusa..., ne s'estimant pas digne d'un tel hommage. Alphonse XII lui remit alors la décoration d'Isabelle la Catholique.
Quelques années plus tard éclate l'insurrection Carliste, suivie
d'une répression. Anne-Marie-Hyacinthe, ardent légitimiste, renverra alors sa
décoration à Alphonse XII.
Edmond de Boisboissel (1849-1915), s'engagea à l'âge de 20 ans au 1er
régiment de Chasseurs d'Afrique en 1869 conformément aux traditions
militaires de la famille. Il participa à des opérations en Kabylie
et à la guerre de 1870. Après quelques succès de l'armée
française à Rezonville, Pont à Mousson avec un galop de
charge dans la rue (étroite) principale de la ville, il fut blessé
et fait prisonnier à Mars la Tour.
Auparavant au cours d'une rencontre avec les Ulhans lors de la bataille de Gravelotte, il poursuivit sabre au clair un sous-officier Prussien, monté sur un cheval lourd. Edmond avait lui un cheval anglo-arabe, plus rapide. Au moment où en pleine course il allait le rejoindre, le sous-officier prussien se retourna et lui tira un coup de pistolet dont la balle lui trancha le taconnet (jugulaire) de son casque (on est à quelques millimètres de la carotide...). Continuant la poursuite, il lui enfonça son sabre de par le corps.
A ce moment-là, Edmond de Boisboissel était l'unique représentant mâle de la branche ainée des Boisboissel, la branche cadette devant s'éteindre peu après. Aussi, des quelques millimètres trop à gauche ou à droite du Prussien a dépendu le sort de tous les représentants actuels de la famille...
Note: Edmond de Boisboissel demandait à tous les membres de sa famille de prier pour le repos de l'âme de ce soldat à chaque anniversaire de sa mort.
Edmond de Boisboissel fut fait prisonnier à Mars la Tour durant la guerre de 1870 (voir ci-dessus). Il fut transféré dans un camp en Bavière avec d'autres prisonniers: or les conditions de détention étaient très dures dans ce camp, et les prisonniers demandèrent une amélioration des conditions de détention. Les Bavarois finirent par accepter leur requête et par les transférer dans un centre moins pénible, à la condition expresse qu'ils promettent de pas s'échapper: tous les Français promirent sur l'honneur.
Quelque temps après, un français vint trouver Boisboissel et lui
indiqua qu'ils avaient échafaudé un plan d'évasion et que le signal
était pour le soir même. Boisboissel lui répliqua qu'il avait juré sur
l'honneur et qu'on ne lui ferait jamais renier sa parole.
Un petit matin, le landsturm bavarois qui gardait ce nouveau camp eut la terrible surprise de le trouver vide de tout Français, sauf un : Edmond de Boisboissel! Celui-ci, seul au milieu d'une grande pièce, rassembla toutes ses connaissances en Allemand et lui dit d'une voix forte "Alles weg", ce qui signifie: "ils sont tous partis". Les Français en effet s'étaient échappés durant la nuit. Or lui-même refusa de le faire, il avait en effet promis sur l'honneur de ne pas s'évader, il garda sa parole.
En remerciement pour ce geste, Edmond fut autorisé à conserver son épée durant le reste de sa captivité.
Henri de Boisboissel était un fort gaillard. Il aimait bien les armes, et un jour, en manipulant un pistolet, il se tire une balle dans la cuisse. Par discrétion, ou bien pour éviter les foudres paternelles, il n'en parla pas et garda cette balle dans la jambe, laquelle ressortit sept ans plus tard car elle avait descendu le long de la cuisse. Henri put alors l'extraire lui-même!
Un intersigne: l'adieu d'Henri de Boisboissel
Pendant la guerre de 1914-1918, toute la famille de Boisboissel vint habiter le Pélem. Le sous-lieutenant Henri de Boisboissel était au front. Le 1er octobre 1915, trois femmes devisaient dans les jardins du Pélem: Geneviève de Boisboissel, femme d'Edmond (la belle-mère d'Henri par suite du remariage d'Edmond), Simone de Boisboissel, fille du 1er mariage d'Edmond avec Louise Hamon de La Porte (la soeur d'Henri), et Tiphaine de Boisboissel fille de Geneviève (la demi-soeur d'Henri).
A un moment, elles voient toutes les trois apparaître Henri au fond du jardin se dirigeant vers le Pélem et curieusement passer devant elles, la mine grave, sans rien leur dire ni même les regarder, avant de disparaître dans le bûcher. Elles l'interpellent remplies de joie "Henri tu es en permission ! ", se précipitent, lui font savoir qu'elles l'ont vu "Henri, tu es là, on t'a vu...", qu'elles s'étonnent qu'il leur ait fait une farce... mais point de réponse, plus d'Henri.
Un peu plus tard, un gendarme leur apporte un télégramme du Haut
Commandement: "Le sous-lieutenant Henri de Boisboissel a été tué au
combat de Souchez Vimy (Artois), pulvérisé par un obus". C'était la
date et l'heure précise de son apparition au Pélem, le 1er Octobre
1915... Ce type de témoignages sont courant en Bretagne, les morts à
l'heure dernière viennent saluer les vivants. Cela s'appelle un
intersigne.
Le 25 janvier 1956 au matin, Henry de Boisboissel alors capitaine au Groupe de transport aérien "Anjou", conduisait une patrouille de 3 avions Noratlas pour un vol d'entrainement. Les avions décollant à 30 secondes d'intervalle, devaient se rejoindre peu après le décollage dans une ligne droite. L'avion ailier numéro 2, voulut rejoindre prématurément au cours du premier virage. Son pilote était inexpérimenté sur la machine. Ce dernier, trompé par l'inertie de l'avion, s'aperçut qu'il arrivait trop vite et engagea un virage pour éviter l'avion leader piloté par Henry de Boisboissel, le perdit de vue, l'accrocha puis s'écrasa (pas de survivants).
Ayant de grosses difficultés à contrôler la machine, Henry de Boisboissel ordonna l'évacuation de l'avion en parachute, le co-pilote sauta, mais s'écrasa, le navigateur sauta et n'eut aucun problème, le mécanicien navigant lui dit: "je reste avec vous", enfin le radio navigant arrivant devant la porte pour sauter lui aussi, s'écria: "on survole une orangeraie, je vois les oranges grosses comme ça, je reste à bord". L'atterrissage forcé (train rentré) s'effectua dans une vigne, sans dommage pour le personnel, mais l'avion fut quasiment détruit.
La presse du soir publia en première page la photo de l'épave en
indiquant qu'il y avait des morts et nommant son équipage. Par un
hasard heureux, Marie de Boisboissel, l'épouse d'Henry qui achetait
quotidiennement le journal, ne l'acheta exceptionnellement pas ce
jour-là et trouva fort curieuse et troublée l'attitude d'un officier,
ami de la famille, venu lui rendre visite le soir même. Cet officier
n'avait pas eu le courage d'annoncer à Marie la mort tragique de son
mari.
Celui-ci ne revint que plus tard, après une marche à pied dans la
campagne désertique, lui apprendre de vive voix la bonne nouvelle de sa
survie...