Pierre de Boisboissel
Pierre de Boisboissel est sans nul doute le plus illustre représentant de la famille. Il a laissé la trace d'un haut et puissant seigneur, mort au combat pour la cause du bienheureux Charles de Blois, après avoir légué des Reliques de la Vraie Croix, du Précieux Sang et de la Couronne du Christ à l'évêché de Saint Brieuc.
Il est cité comme chevalier, lors de la revue de la compagnie de Jean, vicomte de Rohan, le 27 juin 1351, où il reçoit 60 livres de gages de par le roi (Dom Morice, Preuves, t. i, col. 579.)
Etant allé voir Charles de Blois exilé en Angleterre, il fut désigné par lui au roi Edouard III d'Angleterre pour jouter à la célèbre passe d'armes des Dix en 1351 selon Bertrand d'Argentré, plus vraissemblablement en 1354 selon Georges Minois. Il fait partie du conseil de Charles de Blois en 1363 (M. Jones, Recueil des actes de Charles de Blois… , no 278 : moseur Pierre de Boays Boussel).
Il périt à la bataille d'Auray le 29 septembre 1364, en tant que chevalier banneret sous les
ordres de Bertrand Du Guesclin contre Jean de Montfort, scellant l'extinction de la branche aînée de la famille. (Histoire
de Bretagne, de D. Taillandier, tome 1 page 311) et (Kervyn de Lettenhove, 1967, tome 7 p.56).
Un compagnon d'armes de Bertrand Du Guesclin
Pierre de Boisboissel est cité comme ami du connétable Bertrand Du Guesclin qu'il reçut plusieurs fois en son hôtel de Quicangroigne à Saint Brieuc.
Dans l'ouvrage la Collection universelle des mémoires particuliers relatifs à l'Histoire de France de 1785, il est indiqué que "Du Guesclin avoit toujours avec lui une troupe de braves, ..., qui formoient une espèce de compagnie dont il étoit le chef. L'Histoire en compte jusques à cinquante deux tous gentils-hommes, & tous déterminés à partager avec Du Guesclin les périls de la guerre & à le seconder dans ses entreprises; leurs noms méritent d'être transmis à la postérîté. C'étoient Eon & Olivier de Mauny frères..., Pierre de Boisbouekel, ..." (Collection universelle des mémoires particuliers relatifs à l'Histoire de France, Tome V. 1785, page 40-41).
Le différend avec
Henry de Plédran
Pierre de Boisboissel eut des démêlés avec le même Henry de Plédran, capitaine briochin, tous deux se disputant, à main armée, l'honneur de défendre leur ville.
En 1353, l'évêque Guy de Montfort nomme Henri de Plédran "capitaine de la tour, manoir et forteresse de Saint Brieuc". Visiblement courroucé par une telle nomination qui porte ombrage aux fonctions familiales traditionnelles, "les partisans de Pierre de Boisboissel trouvèrent le moyen de surprendre la tour et de s'en rendre maîtres. Henri de Plédran voulut la reprendre et s'en suivit un combat très vif entre les deux partis pendant lequel le feu prit à la tour et à l'église de manière qu'elle fut incontinent arse et brûlée, arses furent la tour et le manoir épiscopal" (Du Paz, 1885 p.19).
Il ne fallut rien moins que l'intervention de Charles de Blois lui même, dont les deux chevaliers tenaient le parti, pour règler le différend. (Michael Jones, Recueil des actes de Charles de Blois et Jeanne de Penthièvre, duc et duchesse de Bretagne (1341-1364), suivi des actes de Jeanne de Penthièvre (1364-1384), 1996, 295 p. (no 174) d'après Arthur du Bois de la Villerabel, « Fragments inédits de du Paz », RHO, t. i, 1885, document, p. 177-96 (p. 191-2))
Charles de Blois écrit le 7 décembre 1354: "ledit Plédran remettra entre les mains dudit Monsour Charles de Blois l'esglise et la tour d'icelle et le manoir épiscopal pour estre rendus à l'évesque et aux chanoines de Saint Brieuc, à condition cependant qu'ils ne pourroient en confier la garde audit Monsour Pierre du Boisboissel, tandis que dureroient les dissensions et différents qui estoient entre luy et Henri de Plédran." (A travers le Vieux saint Brieuc par le vicomte Arthur du Bois de La Villerabel, citant les archives départementales)
Capitaine du fort de Saint Brieuc
Un capitaine est un "militaire qui a reçu mission de gouverner et de défendre une place fortifiée, et qui commande une garnison". Cet office s'est généralisé en Bretagne durant la guerre de succession (Association Bretonne, P74, revue 2011)
En 1364, l'évêque Hugues de Montrelais (1358-1373) nomme Pierre de Boisboissel "capitaine du fort de Saint-Brieuc" (Arthur du Bois de la Villerabel, 1891, p 121). C'est la première fois que le mot fort est employé pour Saint Brieuc, fort qui correspondrait au système de 1353 composé de la forteresse (cathédrale fortifiée), de la tour (dont il ne reste rien aujourd'hui) et du manoir épiscopal, l'ensemble complété par un édifice fortifié contenant une garnison et servant d'appui au système de défense de la ville déjà existant (d'après l'Association Bretonne, P74, revue 2011).
Le don des reliques de la passion du Christ:
Pierre de Boisboissel, écrivit son testament en1362 et rajouta un codicile en 1364. Il y parle des reliques de la passion de Notre Seigneur Jésus Christ qu'il offrit à l'évêque de Saint Brieuc et à l'église saint Michel. Voici un extrait de son testament:
"item, ge donne et lesse à l'église et fabrique de Saint Brieuc, certaine partie de la Vraye Croëz où Nostre Seignour fur crucifié, et certaine partie de Son sang, selon que trové porté sera par certaine cédule escripte o ycelles parties.
"item, ge donne et lesse à l'église de Saint Michel de Saint Brieuc aultres certaines partyes de la Vraye Croëz et du sang Nostre Seignour, selon que trové sera par une cédule, o ladite partie desquelles saintuaires de Saint Michiel ge veill et ordrène que les vicaires de Saint Brieu, pour prier Dieu pôr moy, aint le tiers des proufitz et offerendes qui vindront à laditte Eglise, à cause desd. saintuaires, et les deux tiers soint lessez à la fabrique de lad. église de Saint Michiel.
"Quand je décebderoye, donne et lesse à l'église de Saint Brieuc ung joyeau d'or et de pierre dedans lequel a de lespine de Nostre Seignour fust couronné.
"Item, à l'église de S. Michiel de S. Brieuc, un autre joyeau d'or et de pierre dedans lequel a du sang de N. S. J. C.
"Veille et ordrenne que les prouffitz, aulmonnes, offerendes et émolumens, quels à lad.Espine y seroint et seront donnez, soint appliquez à la fabrique de lad. église de Saint Brieuc et non a aultre.
" lequel joeau à saint Michel ge veill et ordrenne que soit gardez par dous (deux) clercs des plus suffisans
"Fait en ma maison et manoir de la rue Saint Père, en la maczière du celier ou je cousche, et dessus lesquels escheillons lesdites Reliques seront trouvées en mes coffres".
Le testament de Pierre de Boisboissel fut scellé du sceau de la Cour laïque et de la Vicairie de Saint Brieuc, ainsi qu'il nous l'apprend lui même:
"Donnez tesmoing le sceau estably aulx contractz de la Cour laye de Saint Brieuc o le sceau de la Vicairie de Saint Brieuc, à ma requeste, pour ce que je n'avoys à présent mon sceau, le jour de mercredy, après la exaltacion Sainte Croëz, l'an mil troys cent soixante et quattre.
A travers le Vieux saint Brieuc par le vicomte Arthur du Bois de La Villerabel, citant les archives départementales
La façon dont ces Reliques ont été acquises par la famille de Boisboissel n'est pas connue. Cependant, il n'est pas exclu de penser que leur acquisition date du XIIIème siècle, soit par l'intermédiaire du croisé Guillaume de Boisboissel, croisé avec saint Louis lors de la VIIème croisade, soit lors de l'achat par le même saint Louis de ces reliques en 1239. Se référer à la page des reliques pour plus de détails.
Le testament de Pierre de Boisboissel
Le reste du testament est également fort intéressant. Il est restitué dans son intégralité à la page "testament et codicille de Pierre de Boisboissel, 1362 et 1364":
Continuant la tradition Bretonne d'allumer des cierges autour de saintes images ou représentations, il demande:
"Ge veill et ordrenne que a la levacion du corps Nostre Seignour, soint allumées et tenues ardantes, durant la levacion, doux torches chacune dung pays (poids) de cire, au grand aultier (autel), et lesquelles torches ge veill que demeurgent à lad. esglise pour alumer au grand aultier... Item à la levacion du corps Nostre Seignour devant Nostre Dame de ladycte hostelerye (l'hôpital de N.D. de la Fontaine) ung torche d'un pays de cire à estre tenue davant, tout comme l'on fera à la levation. item à servir devant le chief Monsieur Saint Guillaume..."
Il laisse encore à l'église Saint Père "Ge donne et laisse à la réparacion de l'église sainct Père à Sainct Brieuc, ung quartier de froment une foys poié"
Il lègue aussi au futur hôpital de la Magdeleine "Ge donne et lesse à l'oupvre (oeuvre) de la chapelle de la Magdeleine de Saint Brieuc un tonnel de froment"
De même pour le "port d'aulmones de Gouëdic": "Ge donne et lesse ès fabrique de Nostre Dame de Beaulieu et de Gouëdic, à chacune d'elles, une juste de froment une foys payé."
"Item ge donne et lesse à la soustenance des pauvres de l'ostelerie de Saint-Brieuc ung tonnel d'orge. Item ge donne et laisse aux chanoennes de Saint-Guillaume de Saint-Brieuc pour faire solennement par chacun an le jour de mon obsèque mon anniversaire messe et aultre divin office [...] annuelle et perpétuelle rente [...] Item ge donne et lesse ès fabricques des églises de Cesson, de Tréguieuc et Languieuc à chacune d'elles deux justes de froment. Item à la fabricque de l'église de Ploufragan une juste de froment "
Il parle aussi dans son testament de salines qu'il possède, probablement sur les rives de Langueux et d'Hillion.
Pour l'église de Saint Michel, église fondée par les Boisboissel, il indique: "en loneur de Dieux le Pere tout puissant, et de sa tres doulce mere, la benoiste Vierge Marie, et de toute la compaignie de Paradis et pour le remede de larme de moy et de touz mes predecesseurs et de touz celx et celles dont gey et tiens les biens, ge faz, cree et funde une Chappelainie en l'eglise de Saint Michel de Sainct Brieuc, a l'aultier et a la chapelle ou mes predecesseurs sont enterrez et ou ge ay esleue ma sepulture...perpetuelle rente...". Il parle aussi de "...la Chapellanie que funda Reverend Pere en Dieu Monseignor Yves du Boaysboessel, jadis esveque de Saint Mallo, en leglise de saint Michel de Saint Brieuc, que elle soit paracheve...". Il se peut qu'il soit l'initiateur du superbe jubé de cette église, jubé qui fut détruit avant le XIXème siècle: "Ge donne et laisse pour faire un embrunot (jubé) et aultrement amender la chapelle où mes prédécesseurs sont enterrez en l'église de saint Michel, troys tonneaux de froment ou le prix une fois estre payé."
Face au siège de la ville de Saint Brieuc par les Anglais en 1364, il écrit: "Item, de la somme de trente et doux escuz et troys quartz que ge et les compaignons mandez par le commandement de Monsieur de Saint Brieuc (l'Evêque), pour la garde du fort de Saint Brieuc durant le tems que lon doubtoit que les Angloys venissent à seger Saint Brieuc, en cest an sexencte et quattre"
Il donne également de très intéressantes indications sur la généalogie des Boisboissel, qui sont indiquées dans le chapitre filiation. On y apprend que son aïeul (grand-père) est le frère d'Alain, que cet Alain est le père de Jehan vivant en 1362 qui est son exécuteur testamentaire à cette date, que Pierre a un frère Chesnin, et qu'il a les biens de Perrot en charge en 1364. Il indique aussi nommément son successeur, Hélie du Rouvre, aussi appelé "Elyot de Matelien, seigneur du Roure", ce qui indique que la seigneurie du Boisboissel passa au Rouvre à son décès en 1364: très probablement Helie du Rouvre avait épousé une fille de Pierre, lequel Pierre mourut sans héritier mâle.
Mais le plus impressionnant, concerne son repentir et ses fautes avouées, lui le puissant seigneur Breton, certainement d'une force peu commune comme son père supposé Chesnin (Thibault) mort avec les honneurs en 1347, frère d'armes de Du Guesclin, lui qui écrit de sa main:
"Pour ce que gay hanté les armes au tems passé et, en ma compaignie, ay mené et tenu par plusieurs pays gens d'armes, archiers et aultres gens qui ont prins, ravi et pillé plusieurs biens, et ge mesme en ay prins et receup et soutenu sus, et de plusieurs gens que je ne cognoys, ne sauroys et ne say à qui en faire restitucion, ge veill et ordrenne que mes exécuteurs dongent, baillent et livregent, tant aux esglises que aux pouvres, pour les armes (âmes) de ceulx de qui ge auroi eu du leur à tord, comme dit est, par moi ou par mes gens, et que Dieu le me veille pardonner et mes faultes ... trente escus d'or."
"Ge dongne, lesse recommande merme (mon âme) à Jhesus Crist, à mon seignour mon père et mon créatour, et mon corps à la sepulture de saincte Eglise, laquelle ge eslis en leglisse de Sainct Michel de Saint Brieu, là où mes prédécesseurs ont esté enterrez, au cas que ge decebderoye ès parties de Bretaigne et que mon corps y pouret estre apporté, en la manière qui ensieust. Premier: que sur moy hait un drap blanc, et quatre pauvres de drap blanc vestuz, tenans chacunz un sierge ardans, tant come le service durera, o le plus de messes que lon pourra, sans faire nul autre estat quant à cest munde, fors de rendre en humilité mes armes à Dieu."
Pour conclure indiquons que Pierre de Boisboissel eut sa statue dans l'église de Saint Michel, à côté de l'enfeu des Boisboissel, mais que cette statue fut détruite.
Pierre de Boisboissel, seigneur du Boisboissel?
Dans le vidimus de son testament et des deux codicilles, Pierre de Boisboissel n'est pas cité effectivement comme seigneur de Boisboissel. Il ne l'était peut être donc pas. "En 1362, l’héritier principal était « Helia de Matelein, domino de Roure, milites ». Du point de vue du droit breton, Helie de Mutelien ne pouvait pas être l'héritier principal de Pierre s'il n'avait pas de lien de parenté avec lui. Il existe donc à la mort de Pierre, un descendant cognatique de Juhel Le Prévôt. Or Jean est donné comme exécuteur testamentaire mais pas comme héritier principal. Cela signifie que, du point de vue du droit breton, Helie de Mutelien est plus proche parent que Jean de Boisboissel pour recevoir la succession de Pierre de Boisboissel. Le passage d'une succession dans une famille d'un autre nom ne peut être du qu'à la primauté d'une femme sur un homme. Cela arrive lorsque la femme n'a pas/plus de frère vivant et que ses frères, s'ils ont existé, n'ont pas de descendance. La femme d'Helie de Mutelien était donc héritière principale de son père. Nous avons ainsi deux possibilités:
A) celle défendue par l'auteur de ce site, qui indique que Chesnin de Boisboissel, chevalier banneret en 1347, est le père de Pierre, et le père de la femme de Hélie de Mutelien. Pierre de Boisboissel serait bien seigneur de Boisboissel, mais sans descendance. La chose est possible car il est assez riche, et notamment le dernier gardien Boisboissel des reliques de la passion de Notre Seigneur, dont il fait don à l’évêque dans son testament. Ce qui signifie une certaine puissance, et accrédite l’hypothèse qu’il ait aussi été seigneur (il est indiqué comme sire du Boaysboexel dans son testament). En outre, le frère de Pierre, religieux, se prénommant Chesnin, il y a transmission du nom sur 3 générations depuis Chesnin Le Prévost, fils de Juhaël et Pierre de Boisboissel.
B) celle défendue par M. Bertrand Yeurc'h dans son ouvrage "La noblesse en Bretagne : Titres et offices prééminenciers sous les ducs de Bretagne", 2014, qui indique que le père de la femme d'Hélie de Mutelien est le frère aîné du père de Pierre, partant du fait que Pierre n'est pas mentionné comme seigneur dans son testament.
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