Le Prévost

 

Le nom Le Prévost et le nom Boisboissel

Ce nom de Le Prévost tient son origine dans la charge de Prévôté que tenaient les seigneurs de Boisboissel en la ville de Saint Brieuc. Ils étaient prévôts féodés héréditaires de cet évêché (ou vicaires voyers), ainsi que seigneurs de Boisboissel. Ce nom fut le nom porté originellement par la famille, avant que le nom de la seigneurie de Boisboissel ne se substitue à lui au début du XIVème siècle, et ce bien que le fief de Boisboissel ait été plus ancien que celui du chapitre.

Dans les textes les plus anciens, les propriétaires de fiefs n'étaient désignés que par leur nom de baptême, qui était alors le NOM devenu aujourd'hui le PRÉNOM. Vers les XIème et XIIème siècles, ils ajoutèrent à leur nom-prénom celui de leur fief à titre de SURNOM, lequel est devenu notre NOM d'aujourd'hui. Au XIIème siècle (mais plus tardivement en Bretagne), le chef de famille seul propriétaire du fief commence à être qualifié de seigneur de son fief. Pour les cadets, on voit deux cas de figure : a) les uns ont retenu comme patronyme le nom du fief de leur famille, mais sans la qualité de seigneur ; b) d'autres, dotés d'une seigneurie importante, ont préféré retenir le nom de celle-ci pour eux et leur descendance.

Ainsi, au tout début du XIVème siècle, dans la branche aînée des Boisboissel, Chesnin Le Prévost, fils de Juhaël, est à la fois cité comme "Chenin Le Provost, chevalier" le 12 septembre 1308, "Chesninus Prepositi, miles" le 26 mars 1311, et héritier en 1317 de la seigneurie de Boisboissel, tout comme son frère Yves, évêque né en 1280, est cité comme "Ive Le Prévôt, chantre de Saint-Brieuc" le 31 août 1323 et comme "Yvo Praepositus" en 1328. Leur frère Alain, seigneur du Fossé Raffray et père de la branche des Boisboissel existant encore de nos jours, est lui cité comme Alain de Boaysboexel en 1362 dans le testament de Pierre de Boisboissel, son petit neveu (Bertrand Yeurc'h, la noblesse en Bretagne: titres et offices prééminenciers sous les ducs de Bretagne, p.151, notes 269, 270 et 271).

Voir également la déposition de Charles de Blois lors de l'enquête de 1341 sur la succession du duché, qui indique "mademoiselle Margelie du Bois Bouessel qui fut fille monsieur Suhel [Juhel] Le Prevost et sour monsieur Thevin Le Prevost chevalier et soeur à l'evesque de Sainct Malo"(Michel Saliou, Un problème de légitimité : Le débat juridique Blois/Montfort en 1341, 1994, mémoire de maîtrise d'histoire médiévale, 132 p. (p. 93 d'après BnF ms. fr. 22338 fo 128 r)

Guillaume de Boisboissel est lui cité le 02 juin 1312 comme "Guillelmus de Bosco Bouselli, scutiferi", signifiant que s'il portait le nom de la seigneurie, il n'en était pas l'héritier, tout comme il ne portait pas le nom de Le Prévost.

 

Les Prévost de Rennes au XIème siècle

Un exemple des particularités de la fonction de prévôt nous est donné en Bretagne par une charte d'environ l'an 1035 signée par le duc Alain de Bretagne, et son frère Eudes, charte très certainement écrite lors du partage qu'ils firent de la Bretagne à cette date. Un certain Orhant Le Prévost (praepositus) y est mentionné, qui fit don à l'église de saint Georges des trois quarts de la dîme de Paimpont, laquelle était du domaine des comtes Alain et Eudon.

Une autre charte, datée précisément de l'an 1060, la charte d'Adèle de Saint Georges, indique également qu'Adèle, abbesse de St Georges, soeur d'Alain III duc de Bretagne de 1008 à 1040 et soeur du comte Eudes, confirma Gautier Le Prévost, frère de Judicaël et fils de Orhant Le Prévost, dans l'office qu'avait exercé son père. Le comte Eudon, les vicomtes Joscelin et Alain, et plusieurs autres seigneurs furent présents à cette charte. Y est indiqué en latin: "Adela Sancti Georgii Abbatissa convenientiam talem fecit cum Gualterio ejus Praeposito scilicet praefecturam Plubihan quam Pater ejus tenuit, ipsi concedit tali modo ut in fidelitate Sancti Georgii..." signé "Judicaël frater ejus Gualterii..."

Le Gautier mentionné en 1060 est donc prévôt de Pleubian. On voit là selon le professeur Bruno Saint-Sorny, un ministérial (homme non noble doté de pouvoirs poitiques) qui parvient à se transformer en vassal, et qui donc quitte (ou a d’ores et déjà quitté) cet état pour entrer dans la noblesse. La référence au père, qui a déjà détenu cette prefectura, peut être l’indice d’une volonté de légitimer l’investiture de Gautier par l’hérédité, ce qui est la grande caractéristique du fief du vassal par opposition au ministerium du ministérial au XIème (analyse de Bruno Saint-Sorny, 2021).


Un difficile rattachement des Boisboissel aux Le Prévost de Rennes au XIème siècle

Plusieurs auteurs ont proposé un rattachement de Orhant et de son fils Gautier, prévôts de Pleubian mentionnés dans les chartes de l'abbaye de Saint Georges, avec les Boisboissel de Saint-Brieuc. Citons notamment les Mémoires pour servir de preuves à l'Histoire de Bretagne, par Dom Morice, citées par Lainé, loc. cit.:

" Les seigneurs de Boisboissel, à l'exemples de plusieurs "races illustres ( les "Le Sénéchal", seigneurs de Kercado, en Bretagne, les "Le Vicomte" en Normandie, les "Prévost de la Force" et les "Vigier" en "Périgord, etc. ) tiraient leur nom ( Le Prêvost ) d'une charge inféodée et héréditaire, celle de l'église de St Georges de Rennes. Cette charge qui, dit Geslin de Bourgogne, assurait une épée à l'Evêque "sans lui laisser l'embarras de la porter, équivalente pour d'autres provinces à celle d'avoué ou protecteur, ne pouvait être remplie que par un seigneur puissant en crédit et en vasselage, puisque ces fonctions principales consistaient à défendre et à protéger contre toutes les oppressions les religieuses et les biens de ce monastère. Cet officier "rendait aussi la justice et prélevait la huitième partie des confiscations".

Le généalogiste Lainé dans ses "archives généalogiques et historiques de la noblesse de France, Paris, 1828", n'hésite pas quant à lui à les rattacher à la famille des Le Prévost, seigneurs de Boisboissel , les nommant ainsi comme les premiers ancêtres référencés des Boisboissel dans l'histoire.

Citons enfin la généalogie de la maison de Bréhant qui accrédite cette thèse de l'origine de la famille au XIème siècle:

"Les noms de famille, dit M. de C., se sont établis en Basse Bretagne plus tard que dans la Haute, et dans celle-ci plus tard qu'en France. Soit. Mais l'usage des noms patronymiques n'a dû prévaloir que graduellement, et il est difficile d'indiquer d'une manière précise, avant 1200, l'époque à laquelle il fut adopté généralement et sans exception en Bretagne. L'exemple que je viens de citer des Rieux, des Lohéac, des d'Acigné, etc. semble ne laisser subsister aucun doute à cet égard. Une remarque que l'on ne manquera pas de faire, c'est que si l'on prend à la lettre l'opinion de M. de C. sur les origines antérieures à la première partie du XIIème siècle, l'on en arrive à contester celles de beaucoup de familles d'ancienne chevalerie qui, par tradition et avec toute raison sans doute, datent entre autres (pour ne citer que les noms bretons): les Volvire de 996, les d'Acigné de 1032, les Boisboissel de 1035, les Raiz de 1008, les Pontchâteau de 1065, les Cornulier (par les Cornillé) de 1086, les du Plessis d'Argentré de 1095, les la Roche-Bernard, Tinténiac, Saint-Gilles, Goyon, Kergorlay, Sérent, de la première croisade (1096) les Trémereuc, la Bouessière, Lanveley et Coëtquen de 1108 etc. ..." "Supplément à la généalogie de la Maison de Bréhant en Bretagne imprimée en 1869 Bachelin-Deflorenne, page 44"


On peut être surpris d'une référence des ancêtres des Boisboissel à la ville de Pleubian, les Le Prévost, seigneurs de Boisboissel, résidant au bois Boissel de Saint-Brieuc notamment Juhael Le Prévost au milieu du XIIIéme siècle. Pleubian est au nord de la seigneurie de Boisboissel, à 58 kilomètres de là.

Il est ainsi probable que les seigneurs mentionnés dans cette chartre ne soient pas les ancêtres des Le Prévost de Saint Brieuc, d'autant plus qu'aucune preuve généalogique formelle ne permet de l'affirmer. Néanmoins l'hypothèse du généalogiste Lainé reste une piste envisageable, quoique difficile à prouver, étant donné la similitude des fonctions mais aussi celle des noms Juhel ou Judicaël pour ces familles qui toutes les deux exercent les charges de prévôté au sein de la même région.


Le stock onomastique des Le Prévost

Arrêtons-nous quelques instants sur les prénoms anciens portés par les membres de la famille Le Prévost:

Juhaël ou Juhel (ou Judicaël): ce prénom est très ancien et typiquement porté dans le littoral nord de la Bretagne. Il proviendrait de la racine Jud, qui n'a rien d'israélite, et que l'on peut rattacher du gallois udd (seigneur) mais aussi du latin judex (officier public), et que l'on retrouve dans le stock onomastique des princes régnant en Dommonée: ainsi Judwal, vainqueur de Conomor et allié de Childebert Ier, son fils Judicaël et son petit-fils Judicaël contemporain du roi Dagobert (source: Stéphane Morin, Trégor, Goëlo, Penthièvre, le pouvoir des comtes de Bretagne du XIème au XIIIème siècle p.190, Sedca).

Chesnin ou Thenin: prénom que l'on retrouve localement proche de Saint-Brieuc et qui signifierait François. On retrouve un lieu dit Chesnin au manoir de la Ville-Doré Chesnin, qui se trouvait rue de La Tullaye à Saint-Brieuc au coeur de l'ancien Haut Cesson.

S'ensuivent des prénoms bien plus classiques:

Guillaume: ce prénom fut beaucoup porté par les Boisboissel dès le XIIIème siècle. C'est très probablement pour mettre ses porteurs sous la protection de saint Guillaume Pinchon,évêque de Saint Brieuc et premier saint de Bretagne à être canonisé "régulièrement" par Rome en 1247 par le pape Innocent IV.

On retrouve à partir du XIVème siècle beaucoup d'Alain, de Jean et de Pierre pour les hommes.


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