Le différend avec les Plédran
Saint Brieuc était une ville ouverte, et placée sous l'autorité pacifique de l'évêque. Elle ne pouvait donc pas prendre part aux luttes lors de la guerre de succession des deux Jeanne de la même façon que les places fortes de la principauté.
Elle fut cependant ravagée au XIVème siècle, à la suite d'une querelle particulière entre les Boisboissel et les Plédran (famille éteinte de nos jours).
Le parti Boisboissel |
Le parti Plédran |
Premiers gages de bataille entre les Boisboissel et les Plédran
En 1311, Guillaume de Boisboissel et Jean Jogueti, de Plédran, tous
deux écuyers, avant d'en venir à un combat singulier à
la suite d'injures réciproques, furent autorisés par la cour séculière
de l'évêque à déposer leurs gages de bataille (gagia
duelli) entre les mains de Geoffroy II, évêque depuis 1295. Les
champions avaient fait appel au Parlement de la décision de l'évêque
qui avait fait saisir leurs chevaux et leurs armes. Il fallut l'intervention
du roi Philippe IV le Bel pour arrêter le duel et par ordonnance du vendredi
après la Pentecôte de l'an 1311, annuler la sentence rendue par
la cour de l'évêque et le condamner à restituer les cautions,
ainsi qu'une amende assez considérable. (Les Olim, tome
3, 1ere partie, p679).
Guillaume est cité le 2 juin 1312 comme Guillelmus de Bosco Bouselli et Johannes Jogueti de Pleudrain, scutiferi, puis senescallo nuper defuncti episcopi Briocensis le 30 mars 1313.
Rappelons qu'un gage de bataille, ou gagia duelli,
est une procédure
ordalique permettant de statuer sur des accusations en l'absence de
témoins ou
d'aveux, et dans laquelle les deux parties en litige se battent en
combat singulier, à l'épée ou à la lance pour les nobles, chacune
pouvant être représentée par un champion. Il est aussi appelé le
"jugement de Dieu". Le vainqueur du
combat est en effet considéré comme étant celui désigné par Dieu
lui-même pour être la personne
bien-fondée des plaidants (source Wikipédia).
Une bataille Pierre de Boisboissel/ Henri de Plédran dans Saint Brieuc
Malheureusement cette lutte fut reprise par Henri de Plédran contre Pierre de Boisboissel, bien que tous deux soient du parti des Blois. L'abbé Ruffelet prétend que Henri de Plédran s'empara de la cathédrale, du manoir épiscopal, pilla les biens des chanoines et fit subir aux habitants tant de mauvais traitements qu'il fut excommunié. (Archives du Bois de La Villerabel)
Selon l'historien Du Pas, l'évêque Guy de Montfort aurait, par amour de la paix, levé cette excommunication portée par son prédécesseur et institué en 1353, le sieur de Plédran capitaine de la tour et du manoir de Saint Brieuc (probablement l'évêché et la cathédrale, ces 2 édifices communiquaient en effet et formaient au milieu de la ville une véritable forteresse où tout le monde se réfugiait en cas d'alarme) (d'après Jules Lamare, Histoire de la ville de saint Brieuc, ed. de la Tour Gile).
Légitimement courroucés par une telle nomination qui porte ombrage aux fonctions familiales
traditionnelles, les partisans de Pierre de Boisboissel trouvèrent
le moyen de surprendre la tour et de s'en rendre maîtres. Henri de Plédran
voulut la reprendre et s'en suivit un combat très vif entre les deux
partis pendant lequel le feu prit à la tour et à l'église
de manière qu'elle fut incontinent arse et brûlée, arses
furent la tour et le manoir épiscopal" (Du Paz,
1885 p.19). Note: Arse est le participe passé du verbre Ardre, ancien français qui veut dire brûler, enflammer.
Les deux ennemis se livrèrent combat devant l'édifice cathédrale forteresse,
au milieu d'un grand désordre: la tour à droite du porche d'entrée,
dite tour Marie, une partie de la cathédrale et le manoir épiscopal
furent saccagés et brulés. La tour Marie au nord dût être reconstruite
par la suite au XVème
siècle, avec une hauteur de 33 mètres, expliquant son asymétrie avec la
tour Brieuc au sud, d'une hauteur de 28 mètres, datant elle du XIIIème siècle.
Il ne fallut rien moins que l'intervention de Charles de Blois lui-même, dont les deux chevaliers tenaient le parti, pour règler le différend. (Michael Jones, Recueil des actes de Charles de Blois et Jeanne de Penthièvre, duc et duchesse de Bretagne (1341-1364), suivi des actes de Jeanne de Penthièvre (1364-1384), 1996, 295 p. (no 174) d'après Arthur du Bois de la Villerabel, « Fragments inédits de du Paz », RHO, t. i, 1885, document, p. 177-96 (p. 191-2)). Il fit rendre leurs biens à l'évêque et au chapitre. L'évêque Guy de Montfort répara alors sa largesse malheureuse en réparant la cathédrale.
Charles de Blois écrit le 7 décembre 1354: "ledit Plédran remettra entre les mains dudit Monsour Charles de Blois l'esglise et la tour d'icelle et le manoir épiscopal pour estre rendus à l'évesque et aux chanoines de Saint Brieuc, à condition cependant qu'ils ne pourroient en confier la garde audit Monsour Pierre du Boisboissel, tandis que dureroient les dissensions et différents qui estoient entre luy et Henri de Plédran." (A travers le Vieux saint Brieuc par le vicomte Arthur du Bois de La Villerabel, citant les archives départementales)
Voir aussi Pierre de Boisboissel.
La tour Marie à droite, détruite en 1353 durant la guerre Boisboissel / Plédran