Alain de Boisboissel

Pilote de char Sherman 1943-1945, pilote de ligne

8000 heures de vol

Chevalier de la Légion d'honneur, médaille militaire, chevalier de l'ordre national du Mérite,

croix de guerre 39-45 avec 2 citations, médaille du combattant volontaire

(1926-2015)

Né le 17 mars1926 à Meknès au Maroc, Alain de Boisboissel passa 4 années chez les Jésuites, de 1934 à 1938 à Paris. Il part ensuite à Saïgon avec son père Yves de Boisboissel, et il y continue ses études au lycée Chasseloup-Laubat. En 1941, son père est nommé à Alger et Alain qui le suit y obtient son bac en juin 1942.

La 2ème guerre mondiale:

Après le débarquement allié du 8 novembre 1942, il se porte engagé volontaire en 1943 et rejoint le 5ème régiment de Chasseurs d'Afrique.

De juillet 1943 à Août 1944, il s'entraine sur Sherman en Oranie. Il embarque enfin à Mers El Kébir le 10 Août 1944, et débarque à Saint Tropez (plage de la Nartelle) le 16 Août 1944 et foule le sol de France vers 18 heures.

Les premiers combats ont lieu à Lavalette-Toulon du 20 au 24 Août: le premier jour, le 20 Août 1944, Alain déploie son char le Saint Malo dont il est pilote près de Pierrefeu et entend alors un coup de fusant. Instantanément il plonge dans sa poste de pilotage et au moment où il referme son écoutille, un second fusant éclate précisément où sa tête était quelque temps plus tôt, pulvérisant son périscope. La guerre pour lui commence, et déjà ses premiers amis s'effondrent autour de lui...

Le 21 Août, les voilà à La Fardèle, en peloton, écoutilles fermées sur la voie ferrée. Un 88 allemand les prend en cible et détruit 3 chars: le peloton perd son chef, le lieutenant Sauvegrain, ainsi que plusieurs autres tués. La progression reprend, sous un feu d'artillerie ennemi, avec une tension intense. En arrivant sur un virage à 60 km/h, Alain voit subitement un obus rater de peu le char qui le précède: il freine en une fraction de seconde, juste à temps pour voir un second obus exploser à 3 mètres devant lui! S'il n'avait pas freiné... Par la suite, retour sur la Valette, où la tourelle de son char est endommagée à la suite d'un choc, mais il continue le combat avec un autre char dont la transmission est hors d'usage mais dont la tourelle est opérationnelle si bien que l'un remorquait l'autre qui tirait pour lui.

Ainsi arrive la fin de la bataille, Toulon est libéré, le 23 Août. Le bilan est terrible: sur 17 chars partis le 21 au matin, il n'étaient plus que 9 le 21 au soir, et plus que 8 opérationnels le 23 (page 48 et suivantes de Chars souvenirs).

Puis c'est la remontée du Rhône par la rive droite jusqu'à L'Arbresle, Châlon sur Saône, Macon et Dijon, avec ses combats sporadiques qui meurtrissent douloureusement l'escadron commandé par le capitaine de Pazzis. Le 12 novembre, au Valdahon, il rencontre son frère Guy de Boisboissel, lieutenant à la 9ème DIC, alors qu'il faisait le plein pendant une halte le long de la route. Quelle belle image que ces deux soldats, frères, se retrouvant au milieu des combats pour libérer leur pays!

Et voilà Alain avec son char le Saint Malo, dans les Vosges, devant Belfort, imprenable de front: d'où offensive par le sud le 17 novembre, le long de la frontière suisse, via Delle, et le Rhin atteint à Rosenau le 19 par le peloton de Loisy, premier de toutes les forces alliées. Mulhouse tombera le 23 (malheureusement le lieutenant de Loisy y laissa la vie).

Lors d'une revue par Winston Churchill, le général de Gaulle et le général de Lattre (Alain est sous le canon)

Le 19, à Brebotte, soudain un barrage anti char détruit 3 chars de l'escadron de reconnaissance. Alain poste son Saint Malo en position de soutien, en défilement pour attaquer le village. Soudain, 3 obus anti char allemands, atteignent son char, qui, sans le détruire, mettent hors d'usage la chenille gauche. Un obus perfore le réservoir à mazout gauche qui par chance ne brule pas. Le lendemain, le 20, l'équipage revient vers son char immobilisé lorsque de nouveau, un anti char situé sur la rive opposée du canal Rhône-au-Rhin le reprend à partie: d'un réflexe commun, les voilà de nouveau aux commandes pour localiser l'ennemi, qui atteint le char une quatrième fois sur le côté gauche. Le Saint Malo le détruit alors. Cet épisode vaudra à l'équipage sa première citation (page 76 et suivantes de Chars souvenirs).

La campagne d'hiver pour la libération totale de l'Alsace durera jusqu'au 6 février 1945, avec de terribles pertes. Après la bataille de la forêt de la Hardt, c'est l'attaque des cités de potasse Else, Amélie, Langenzug, le tout se déroulant dans un froid terrible, jusqu'à -28°: son chef de char Lebedel y trouve la mort, c'est le second chef de char du Saint Malo tué depuis le 16 Août (après André Pylat le 25 septembre devant Palante)! Puis c'est la percée à Cernay dégageant la route de Colmar. Alain franchit le Rhin avec la 1ère armée française dans la nuit du 3 au 4 avril, Karlsruhe tombe le 6, puis il continue en direction du sud de l'Allemagne vers Baden Baden (page 85 et suivantes de Chars souvenirs).

Le 11 avril, son peloton s'engage dans Loffenau, devant lui le char Saumur est détruit. Se postant alors le long d'une palissade pour éviter le danger, le Saint Malo est détruit à son tour par le perforant d'un chasseur de char allemand: le radio chargeur est tué, 2 autres sont blessés gravement. Alain est indemne, mais son char, le Saint Malo, est détruit, il explosera après avoir dévalé la pente avec un mort comme équipage. Cela vaut à l'équipage sa deuxième citation (page 100 et suivantes de Chars souvenirs).

Alain remonte le 13 avril sur le Soisson II, dont le pilote était indisponible, ce qui lui permet de terminer la guerre aux commandes, ainsi que son chef de char Fernand Martinet, avec qui il effectué le débarquement, les autres ayant été tués ou blessés. Direction sud, vers Freudenstad au travers de la Forêt Noire, où 5 chars seront détruits en 5 jours, puis remontée sur Ulm, ponctués de nombreux accrochages avec les forces allemandes, puis redescente sur Vorarlberg où il se trouve lors de la capitulation.

La joie est immense, malgré les très lourdes pertes et les amis fauchés au combat: sur les 25 de son 2ème peloton qui débarquèrent en 1944, 15 furent tués au cours des combats; sur les 15 chars de combat de son escadron qui débarquèrent, 4 chars sur 5 furent détruits dans son 2ème peloton, 4 sur 5 détruits au 1er peloton et 3 sur 5 détruits au 3ème peloton, sans compter ceux qui furent touchés mais réparés!... Mais tout de suite c'est le remontée à toute vitesse vers le Palatinat, sur ordre de de Gaulle qui voulait disposer de ses divisions blindées sur la frontière du Rhin pour éviter une insurrection et prise de pouvoir des communistes en France. Le régiment est envoyé à Nantes par chemin de fer où eut lieu la démobilisation en décembre 1945.

Notons qu'Alain considère que les chiffres 2 et 5 ont marqué sa carrière militaire: engagé sous la matricule 1552, au 52ème escadron, il est muté au 5ème RCA, 2ème escadron, 2ème peloton et char n°5. Son char fut détruit 2 fois et il obtint 2 citations!

 

La vocation de pilote

En occupation en Allemagne, Alain reçoit une lettre de son père lui disant que si, comme il le présumait il envisageait une carrière en Afrique, un ami lui proposait une situation dans une compagnie de transport routier à Bangui. Alain part donc en 1946 à Bangui, où on lui attribue les fonctions de chef de convoi, c'est à dire responsable du transport par autocar, du logement et de la nourriture en cours de route des passagers, administrateurs ou militaires, effectuant les déplacements de Bangui à Fort Lamy où de Yaoundé à Bangui et Fort Lamy: ces trajets duraient entre 6 et 4 jours selon les destinations. La compagnie disposait tous les 300 km des gites d'étape aménagés pour le gîte et le couvert des passagers. Il occupe cette fonction pendant 4 ans jusqu'en 1951.

En 1951, la compagnie jugea opportun de remplacer les transports routiers par la voie aérienne et fit l'acquisition de 3 bimoteurs Beechcraft, basés à Yaoundé, le chef pilote étant René Fernand Meyer, ancien pilote de chasse. L'exploitation aérienne s'avéra inopportune et la compagnie décida d'y mettre un terme et de revenir au transport routier. Meyer estimant possible une exploitation aérienne décida alors de créer sa propre société: Air Cameroun. Il invite Alain un jour à y participer et c'est ainsi que Alain put entrer dans le domaine aéronautique. Il exerça les fonctions de Directeur Général adjoint, chargé du domaine financier, administratif et commercial. Tenté surtout par le pilotage, après avoir passé les brevets de pilote privé au sein de l'aéroclub, il profite de ses congés en 1967 pour passer en Angleterre et aux USA les brevets et licences américains de pilote professionnel, ce qui lui permet de remplir les fonctions de copilote sur DC4 et ensuite Super Constellation. Viendront ensuite les brevets français permettant de voler sur les avions immatriculés F (pour France).


Alain de Boisboissel devant les locaux de Air Cameroun (Douala)

Alain vole 2 ans à Air Cameroun, puis participe à la campagne du Biafra au sein de la compagnie Air Fret, effectuant 27 missions de nuit entre décembre 1969 et janvier 1970. Revenu en France, Alain est intégré à air Fret Nîmes qui effectue des liaisons sur Djibouti et le Moyen Orient sur avion-cargo, ceci jusqu'en février 1977, date à laquelle Mr Colin PDG d'Air Fret décède et Alain le remplace dans ses fonctions. Malheureusement, ils durent cesser toute activité en raison de la faiblesse des moyens (1 seul avion) en 1982. Les activités d'Air Fret, outre le transport de marchandises, consistaient à photographier les bases soviétiques de la mer rouge menaçant Israël. L'avion était à cet effet équipé par les soins d'Israël de cameras et d'appareils photographiques soigneusement camouflés de façon à ce que personne ne puisse connaitre leur implantation: les grandes révisions se faisaient en Israël !

En 1982, Alain termine sa carrière à Toussus Le Noble, sur bimoteur, jusqu'à sa retraite en 1985 à Villeneuve Loubet (Nice).

Alain de Boisboissel est décédé le 26 mars 2015 à Villeneuve Loubet (06), et est inhumé dans cette paroisse.


Alain de Boisboissel raconte son engagement pour la libération de la France dans son livre "Char souvenirs..." (n°6 de la collection Guerres et guerriers, Economica) qui relate sa campagne de France et d'Allemagne de 1944/1945.

 

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